Jean-Marie Negro, retraité, 15 ans au moment de l’incendie, marqué à vie.

Habitant des Soulières depuis 1955.

J’avais 15 ans, le 23 août vers 11h30, papa m’a dit « Il y a un incendie à Mougins ». À ce moment-là, on pense que c’est loin, on ne s’inquiète pas. On était sur notre terrain horticole aux Soulières, on rentrait déjeuner à la maison. Vers 13h, je pars au Bois Fleuri voir le feu. Je tombe sur des gendarmes qui m’arrêtent et me disent de partir. Les gens étaient affolés. Je redescends alors la route de Valbonne et là des pommes de pins explosent comme des feux d’artifice. Je pensais seulement à rentrer au plus vite à la maison.

A l’entrée des Soulières, devant la propriété Garenne, je passe entre de petites flammes, il y avait de la fumée blanche partout, on ne voyait plus rien, même pas le soleil. J’arrive tant bien que mal chez moi, mes parents étaient paniqués. On commence à essayer d’étanchéiser la maison : on ferme les volets, on arrose la façade avec un tuyau d’arrosage. On était très inquiets car nous avions une cuve à mazout remplie dans le jardin qui nous permettait de chauffer les serres durant l’hiver. Mon père décide alors de quitter la maison craignant qu’elle explose. A ce moment-là, on se dit qu’on ne la reverra jamais. On se retrouve sur le chemin des Soulières devant la propriété des Blancs où tout le voisinage s’était déjà rassemblé, une quinzaine de familles en tout noyées dans un nuage de fumée. On a aucune notion du temps, c’était impressionnant, les flammes étaient à hauteur des pins. On se met des mouchoirs sur la bouche car on est asphyxiés par la fumée. On tape avec des branches pour éteindre les petits embrasements qui débutent un peu partout à cause des pommes de pins qui sautent. Le feu file à toute vitesse.

Une fois les flammes passées, on rentre à la maison, de petites brindilles s’enflamment ici et là. Pour l’anecdote, en redescendant, je passe chez ma sœur et je sauve ce qui me passe par la main sans réfléchir : des plats en inox et une paire de chaussures…Quand on regagne la maison vers 20h, on est noir de suie. Heureusement, la cuve à mazout n’a pas brûlée. Un fourgon garé juste là non plus, il y avait une croix à côté… En tant que croyants, cela nous a marqué. Après cela, l’autoroute était coupée, c’était l’apocalypse, on a davantage parlé du Tanneron car il y a eu des morts mais beaucoup de gens ont eu une chance inouïe de s’en sortir vivant. Après l’incendie, personne n’a eu le droit de monter jusqu’au lendemain. On n’a pas vu les pompiers chez nous, jamais ! Le 23 août on était en zone verte, le 24 août on était en zone noire…Cet incendie m’a marqué à vie, encore aujourd’hui j’en parle avec beaucoup d’émotion.

C’est à partir de là que j’ai souhaité travailler dans la défense de la forêt. Je suis rentré à l’ONF en février 1975 en tant qu’ouvrier agricole, ma fonction était de débroussailler. J’ai fait et je fais encore très attention. Je suis l’œil du canton, je suis un voisin vigilant ! Au début des années 70, Sophia a commencé à s’implanter. Une drôle de coïncidence qui a aidé à avoir plus de possibilités dans la construction je pense.

 

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